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Aux arbres - Yves Bonnefoy - 1953

Commentaire de texte : Aux arbres - Yves Bonnefoy - 1953. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  18 Juin 2016  •  Commentaire de texte  •  1 748 Mots (7 Pages)  •  4 956 Vues

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TEXTE 4

« Aux arbres »

INTRODUCTION : En 1953, Yves Bonnefoy publie un recueil au titre énigmatique. Du mouvement et de l’immobilité de Douve. Douve ne se réduit à aucun concept et peut s’apparenter à plusieurs choses- dont le nom signifie un fossé plein d’eau-. Mais on imagine ici que le poète désigne la femme aimée, et cette femme est morte. Dès lors les termes de mouvement et d’immobilité paraissent évoquer l’opposition entre sa vie et sa mort. Tout ce passe comme si, par une sorte de défi. Le poète entendant construire une approche Philosophique de ce qui n’a pas de concept, la mort. Ainsi, ce poème évoque ce moment crucial mais aussi l’union avec la défunte par la médiation de la matière.

I Eloge des arbres.

A Hommage à la matière.

  • Titre : le poème leur est dédié : « aux arbres », il veut s’adresser directement à eux.
  • Fait de nombreuses apostrophes : « vous », celles-ci sont mises en avant car en début de vers 1 et 2 : anaphore, insiste sur la nécessité pour l’auteur de leur rendre hommage.
  • De plus, il les personnifie puisqu’il introduit une notion de mouvement, et de volonté des arbres : « vous qui vous êtes effacés »/ « vous qui avez refermé ». Cependant, et ceci n'est pas rien, les arbres sont doués ici d'une politesse tout humaine, dans le geste d'accueil qu'ils ont eu à l'égard de celle qui mourait, d'une politesse pourtant qui a quelque chose de presque officiel et de froid, d'impassible dira le vers 3
  • Enfin, cet hommage/ ces arbres sont évoqués à travers la matière : « fibreuse matière »v5 fibreuse : tronc/branches ; matière : densité, épaisseur du feuillage ; « vos branches »v13 => cela traduit la volonté de Bonnefoy d’être dans le concret, la présence et non le concept qui lui s’éloigne de la présence.

B Le rôle des arbres : des médiateurs.

Des êtres animés, capables de communiquer et de jouer le rôle de médiateurs « j'entends à travers vous » : lien entre le poète et les arbres qui lui permet d’entendre ce que la mort ne dit pas, ce que les morts ne disent pas ; « proches de moi » ; « refermé sur elle » lien entre Douve et les arbres ; « dans la médiation » qui évoque ici clairement le rôle des arbres : celui de rassembler des êtres.

Dans le vers 9, les trois protagonistes du drame de la séparation (Je, vous, elle) sont réunis dans le même vers, cette réunion des êtres se fait grâce à la médiation des arbres, qui est clairement affirmée à l'accent de l'hémistiche (à travers vous//).

Enfin, la rime finale lie les deux termes « austérité » et « été » rappelant bien par-là que l'été ici ne connote pas la vacance ou le voyage ou quoi que ce soit des valeurs triviales qui pourraient lui être associées mais la lumière, la rigueur et la sécheresse propres des signes. D'autre part, ces deux termes riment ainsi avec un troisième, que nous avions relevé plus haut, au vers 5, celui de densité. En traçant des relations entre ces trois termes, la rime finale confirme donc que la capacité des arbres à établir cette médiation résidait bien dans leur caractère de matière, pleine et austère.

II Le passage de la vie à trépas.

A L’image du passage.

Les termes sont nombreux qui évoquent un trajet : "passage", "chemins", "barque", "son cheminement à travers..." ; « elle s’est jetée » si elle se jette elle passe d’un endroit à un autre.

Dans les deux premiers vers, Bonnefoy évoque une scène du passé, celle de la mort de Douve. Une image y est posée, simple et connue, qui va devenir obsédante, celle du passage, cela par le mot qui porte l'accent principal de fin de vers ; et cette image est spécifiée par une autre image, la double référence formant l'évocation d'une scène, prolongée sur deux vers : la mort-passage de Douve y est figurée comme la marche de quelqu'un qui s'enfonce et disparaît dans une forêt.

Toutefois, la notion du passage se trouve comme masquée par l'idée de l'enfermement dans une épaisseur sans au-delà : le paradoxe d'un volume qui formerait pourtant limite et qui n'ouvrirait en fait sur rien doit être souligné, on ne saurait oublier que ces chemins ne mènent peut-être nulle part.

B Les références mythologiques et historiques (pour décrire le passage).

un passage (v. 1) sur lequel une porte se referme (v. 2), évocation de la descente aux Enfers de la mythologie antique : "elle s'est jetée dans la barque des morts" (allusion au passage du Styx, sous la direction du nocher, ou nautonier Charon ; "la bouche serrée sur l'obole" rappelle que les morts, en Grèce, devaient payer leur passage d'une petite pièce de monnaie, une obole, qu'on leur glissait sous la langue au moment de leur enterrement (historique ici) - faute de quoi ils ne pouvaient traverser le fleuve (v. 11) et devaient errer entre le monde des morts et celui des vivants. Un peu plus loin, il est question à nouveau de Charon, "l'informe nautonier", tandis que le dialogue avec les chiens fait peut-être allusion à Cerbère, le chien à plusieurs têtes qui garde l'entrée des Enfers.

C Omniprésence de la mort.

  •  Expression/vocabulaire : « Douve morte » ; « la barque des morts » « votre austérité » « bouche serrée », évoque le froid, la crispation des mâchoires =mort.
  • Image d’enterrement « vous qui avez refermé sur elle vos chemins » ; image de recouvrement / Douve se fait recouvrir par les feuilles, les arbres ?
  • Obscurité « la nuit » ; le mot « silence », qui rappelle la bouche serrée du vers 7.

En fin de vers, ce silence signifie ce qui, dans la mort, sépare de la communauté des hommes et donc fait éprouver l'inhumanité de la mort, mais humainement et, pour ainsi dire, philosophiquement : être mort, c'est ne plus pouvoir s'adresser à tel autre humain, ici à l'humain aimé, pour constituer avec lui l'humanité. Telle est, en son étendue, l'expérience de la séparation qu'un poète peut humainement représenté autant qu'il peut se placer au point de vue d'un mort, tel est exactement le projet de ce poème.

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