Négocier un virage en moto

V.’. M.’. et vous tous mes FF.’. en vos Deg.’. et Qual.’.

Négocier un virage

Lorsque sous forme de boutade je répondais à notre V.’. M.’. que le titre de cette planche serait : “négocier un virage”, je plaisantais. Et puis je me suis pris au jeu, et le parallèle entre ma pratique dominicale de la motocyclette, qui consiste à enchaîner les virages de plus en plus vite et sans se percher en haut d’un platane, et la méthode symbolique de la F.’. M.’. m’a paru intéressant et disons-le amusant. C’est là la seule ambition de cette planche.

Alors tout n’est-il que symbole ?

Au sens commun négocier un virage signifie réussir à passer une période ou une zone difficile quoique prévue ! Ou bien encore amorcer un changement dans sa vie sentimentale ou professionnelle : changer de poste ou de travail, changer de compagne, apprendre le parachutisme lorsqu’on a le vertige...

Négocier un virage en moto nécessite la mise en marche d’un rituel, mais aussi d’une technique qui vise à la mise en harmonie des forces de la physique : l’équilibre du polygone de sustentation. En fait on utilise un verbe - négocier- réservé aux rapports humains pour le propulser dans un domaine physico-technique  Négocier signifie traiter, discuter en vue d’obtenir un accord

La PRÉPARATION

La concentration nécessaire à la conduite de ma moto m’oblige à faire abstraction de tout ce qui peut parasiter mon cerveau: soucis de la vie profane, matérielle ou familiale. Tout comme lorsque je rentre en tenue, je me prépare, je mets un blouson en cuir, un casque et des gants. Je vérifie l’état de la moto : pneumatiques, niveau d’huile, graissage de la chaîne. Tout mon esprit doit se concentrer sur le pilotage de la machine. De la même manière que je laisse les métaux à la porte du temple et que je quitte un monde pour entrer dans un autre en franchissant le sas délimité par les colonnes.

Je dois canaliser mon énergie afin de positionner la moto sur la chaussée au bon endroit par rapport au point de corde, tiens après les gants et le cuir du blouson une autre allusion à nos symboles et à la géométrie; le point de corde ! C’est l’endroit où je vais faire tourner la moto en l’inclinant pour lutter contre la force centrifuge afin de prendre le virage! Souvent on se dit sous le casque : “Que la Force soit avec moi!”.ou encore : “Ca passe pas ! Ca passe pas !” La vitesse et la courbure ou le rayon du virage détermine l’inclinaison de la moto pour rester... sur le bitume.

Le VIRAGE

Symboliquement le virage, au sens commun, vient marquer la fin d’une ligne droite, période calme facile à vivre avec un horizon dégagé. Le virage indique le début des problèmes; l’appréhension s’installe : il faut doser la vitesse, l’inclinaison et se positionner sur les cales pieds, déhancher en sortant une fesse et déployer le genou intérieur le plus proche du sol  afin d’éviter de trop pencher la moto et qu’elle ne frotte au risque de chuter c’est le corps qui s’articule pour équilibrer l’ensemble machine/homme. Bref on fait corps avec la moto. Le virage peut être caché et le champ de vision rétréci par un bouquet d’arbres, une flaque de gas oil glissante peut se trouver dans le virage lui-même; ce qui complique singulièrement la négociation car de l’appréciation du rayon de courbure dépend le résultat de la négociation.

NÉGOCIATION

L’appréhension et le stress s’installent, le virage arrive, vous saute littéralement à la figure, il FAUT NÉGOCIER, c’est à dire équilibrer mettre en harmonie le Ying et le Yang, les forces d’attraction terrestre, centrifuge et de propulsion. Ces forces s’opposent radicalement ou tout au moins tirent dans des directions opposées. Il faut concilier le pavé blanc et le pavé noir, se stabiliser en équilibre alors qu’on roule! Le corps devient le médiateur, l’intercesseur entre ces forces. Les sensations peuvent être violentes et les poussées d’adrénaline puissantes.

Plus la vitesse est élevée et plus la négociation est délicate, une négociation mal préparée, une mauvaise position sur la selle, un déhanchement pas assez prononcé, une inclinaison insuffisante et c’est la faute: on sort du cadre, de la route c’est l’accident, on quitte un monde pour retourner dans la réalité matérielle : le cul par terre ou pire...Il y a un réel plaisir à réussir cette négociation, sur la moto on ressent une plénitude d’avoir réussi à conjuguer toutes ces forces, et osons le terme : il y a de la beauté à regarder un grand champion comme Valentino Rossi négocier des enchaînements de courbes sur le plat, en descente ou en montée à la limite de l’adhérence des pneumatiques. S’il y a de la beauté cela implique une notion d’art, et ces pilotes sont de véritables artistes de l’équilibre, on parle souvent des alpinistes comme les conquérants de l’inutile, les pilotes moto sont à mes yeux des artistes de l’équilibre. En maîtrisant tous ces paramètres, en y trouvant du plaisir ils me donnent à voir, mais avant d’en arriver là il leur a fallu apprendre, passer de catégories en catégorie ; pocket bike, 125 cc, 250 cc, 500 cc et maintenant Moto GP pour ce qui concerne les grands prix.

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