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Robert Aron Histoire de Vichy

Commentaire de texte : Robert Aron Histoire de Vichy. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  7 Mai 2018  •  Commentaire de texte  •  951 Mots (4 Pages)  •  1 113 Vues

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ROBERT ARON : CORRECTION ET EXEMPLE DE COMMENTAIRE DE DOCUMENTS - BACCALAURÉAT

Le document qui nous est proposé est un extrait de L’Histoire de Vichy de l’historien Robert Aron écrit en 1954. C’est un manifeste politique, qui, comme tout travail rédigé par un auteur, a pour objectif de convaincre d’un type de réalité en imposant un discours que l’on veut faire accepter à tout le monde, ici aux Français. Dans ce court extrait, on constate que l’objectif est une forme de « sauvetage » du souvenir de la collaboration. Il veut réhabiliter la mémoire d’un événement tragique. Il convient donc de se demander dans quelle mesure un historien Français, visiblement très connecté au monde politique, nous présente ici une vision exagérément positive des années de collaboration avec pour objectif de démontrer, comme l’a dit le Général de Gaulle, que « tous les Français ont été résistants ».

Pour comprendre le discours porté par Aron, la date est décisive. Nous sommes en 1954, soit neuf ans après la collaboration. La France ne sait pas encore qu’elle vit les derniers moments de la IVe République et s’engage cette année-là dans son deuxième grand conflit de décolonisation : la guerre d’Algérie (1954-1962). Ce contexte d’écriture est bien-sûr lourd de conséquences. Les Français ont tous en mémoire la débâcle de 1940, c’est-à-dire la défaite-éclair contre les troupes de la Wehrmacht. À peine sortis de la guerre, ils viennent de se retirer honteusement d’Indochine à l’issue d’une guerre (1946-1954) violente, traumatisante et humiliante pour les soldats, les officiers et la classe politique. Pas question alors de porter un regard négatif sur les années du passé, quelles qu’elles soient. La naïveté du discours d’Aron est vraisemblablement « imposée » par une classe politique, voire une opinion publique qui ne veut pas entendre parler de culpabilité et de honte, mais plutôt de gloire, et d’honneur. Pour preuve, la chanson Le Déserteur, de Boris Vian, a été censurée justement cette année-là.

Le mot « honneur », justement, apparaît à de nombreuses reprises. Il est d’abord associé à l’adjectif « civique », ce qui renvoie à la communauté des Français : Pétain aurait défendu un honneur communautaire en permettant aux Français de continuer à vivre ensemble. Dans les faits, Aron n’a pas totalement tort. La soumission précoce aux termes dictés par le Reich, les historiens le savent, a empêché un grand nombre de Français d’envisager une forme de résistance puisque l’État lui-même la condamnait. En cela, il a donné à l’ensemble d’une population une direction politique (que chacun peut certes juger, et récemment le polémiste Zemmour en a payé le prix) qui avait le mérite d’être claire : l’État français allait collaborer franchement avec Hitler et la résistance ne pourrait être que réduite à quelques poches. Ce fut le cas, et la


plupart des Français ont bien collaboré, à des niveaux très différents, malgré les affirmations et les certitudes apparentes de De Gaulle à la Libération.

Le début du deuxième paragraphe trahit sans doute les scrupules de l’auteur. Il prend soin de ne pas trop embellir l’action de Pétain en précisant que « de ces honneurs, il se peut que l'un soit plus impérieux, plus instinctif, plus spontané ». Il parle là de l’honneur de la Résistance, qu’il fait attention de valoriser aussi pour ne pas avoir l’air de faire une apologie complète de l’action de Pétain. Dans ce texte, qui élabore la théorie dite du Glaive et du Bouclier, tout est une question de dosage. D’un côté, il réhabilite la collaboration et de l’autre, il glorifie la résistance et l’action du Général de Gaulle. Ce grand écart renvoie sans doute à la personnalité de l’auteur. Menacé en 1940 car d’origine juive, interné un moment au camp de Bordeaux, Aron n’a en fait jamais été sérieusement inquiété ou menacé de déportation. Il n’était pas à Paris mais à Alger lorsque le gouvernement de Pierre Laval organisait la rafle du Vel’ d’Hiv et envoyait des dizaines de milliers de juifs français à la mort. Ces événements, il les a vécus à distance, dans le confort relatif de l’entourage du général, ce qui explique au moins deux éléments :

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